RETOUR AUX SOURCES D'UN GRAND MAÎTRE DU MAKOSSA ET DE L'ART UNIVERSEL : TOTO GUILLAUME

L’an de grâce 1955, le 22ème jour du mois d’août, naquit à Douala du Cameroun, dans le foyer d’Emènè Marie et de Nkakè Maurice, une âme immémoriale envoyée par le Tout-Puissant Maître de Vie par la médiation des ancêtres angélisés. L’enfant fut nommé Toto Nkakè Guillaume, accueilli dans la ferveur des gens du littoral camerounais, au croisement des quatre éléments et sous la bénédiction pure de la Vie Infinie. A Douala, ville sur embouchure, aux portes de l’immense océan atlantique, tous les éléments sont rassemblés : l’eau, dont le fleuve Wouri et ses célèbres crevettes (ces camaroes portugaises qui donneront le nom de Cameroun) arrivent saisonnièrement ; la terre qui s’étend luxuriante et riche vers l’arrière -pays aux quatre climats, ce Hinterland qui devait exciter les appétits coloniaux anglais, allemands et français ; le feu, dressé à l’horizon par le fumant sommet du Fako, ce Mont Cameroun dont les éruptions volcaniques sont de toute éternité des augures si exacts qu’on l’a surnommé le Char des dieux ; enfin l’air, élémental largement déversé sur la terre camerounaise par la houle marine, les pluies, tempêtes et tornades équatoriales dont l’enfant Toto Guillaume raffolera jusqu’en ce temps.
Guillaume Toto naît entre plusieurs drapeaux, dans un Cameroun sous mandat colonial français et déjà en passe de passer sous le drapeau du Cameroun-pays indépendant naissant. Entre le bleu-blanc-rouge et le vert-rouge-jaune, presque dans les sept nuances principales de l’arc-en-ciel. Ame-personnalité, l’enfant naît dans la synthèse, dans l’amour du local et du mondial, dans un ici-bas qui est aussi un au-delà. Il naît dans cet illimité et en même temps dans cet enracinement. D’une part, investi dès ses cinq ans par la voix de ses guides, Toto Guillaume s’avère un enfant curieux qui avait des certitudes troublantes pour son environnement profane. De l'autre, attiré par le large, il est animé par la soif de savoir et de réaliser ce que son for intérieur lui révèle. Il y a donc sa vie intérieure faite d’une clairaudience précoce et de l’autre, l’enfant qui grandit dans le monde, va parmi les membres de sa famille, à l’école, dans le quartier, dans la ville et plus amplement dans la vie cosmopolite du monde entier. Âme en résonance avec ses guides intérieurs, il a le don des choses profondes et décante souvent avec adresse et simplicité ce qu’on trouve compliqué autour de lui.
L’Ecole primaire se déroule à l’école Saint-Gérard de Douala, dans une curiosité qui voit l’enfant passionné par la fabrication des machines, leur démontage et leur rafistolage. Une passion pour le secret des choses occupe les premières années d’enfance. Mais, plus nettement, les dons de Guillaume Toto se révèlent dans la ville de Douala, à son entrée au célèbre collège technologique De La Salle, par un heureux concours de circonstances. Dans cet établissement, deux groupes d’élèves se côtoient : ceux qui possèdent déjà leur CAP (Certificat d’aptitude professionnelle), travaillent déjà en usine dans la ville ; ceux qui fraîchement arrivés dans la formation, apprennent encore les rudiments des métiers de techniciens. Les seconds n’avaient pas le droit d’accéder à la salle des loisirs. Mais les anciens avaient déjà repéré la pépite Toto Guillaume et malgré son appartenance au groupe des jeunes, l’admirent dans les répétitions musicales de leur catégorie.
Or, le frère salésien Auguste, chargé de la gestion de la salle de loisirs débarque un jour à l’improviste et trouve parmi les grands, un garçonnet qui joue drôlement bien de la guitare. Panique dans la salle. Mais le Fère canadien encourage l’enfant qui n’en croit pas ses oreilles. Impressionné par le jeu de l’enfant, qui fabriquait déjà ses propres guitares, des avions, des bateaux. Il fabriquait un orchestre avec le bric à brac des matériaux, des flippers, des baby-foot, tout ce qui se monte et se démonte. Le Père Auguste autorise alors Guillaume Toto, non seulement à accéder à la salle de loisirs, mais aussi à accéder à toute la bibliothèque instrumentale de son collège. Il donne même accès aux clés de la résidence à l’adolescent, afin qu’il s’entraîne et étudie à volonté à toutes ses heures volontaires. De sept heures à vingt heures pendant de vacances Toto Guillaume vivra de longues journées d’études dans la salle des loisirs du Collège de La Salle, avec le sentiment de comprendre même l’incompréhensible des ouvrages qu’il découvrait. Ainsi s’aiguisa l’oreille musicale de l’enfant, dont le talent ne tarda pas, dès ses treize ans, à attirer l’attention d’un Jean-Paul Mondo, un ouvrier du magasin Printania qui se fit élève de l’adolescent et apprit à jouer de la guitare sous son instruction. Ils joueront plus tard ensemble dans le célèbre groupe des Black Styl. Le premier 45 tours de Jean-Paul Mondo en portera la trace vivante.
Placé entre plusieurs eaux, l’enfant est déjà une attraction hors du collège, dans sa famille, dans son quartier et dans la ville. Des amis multiplient des appels du pied vers la musique urbaine. Mais Toto Guillaume persiste alors à se former pour devenir, croit-il, ingénieur agronome. Pourtant, le destin frappe à sa porte. C’est alors qu’apparaît dans sa vie un certain Mouelle Jean, jouant dans un petit club de la place, l’invite à remplacer un guitariste absent. Il fait un tabac. Le petit groupe ne veut plus lâcher le génie après cette mémorable prestation.
Pourtant, sa tante Madeleine lui suggère déjà de penser à poursuivre ses études en France. Mais les François Nkotti, les Emile Kanguè mettent la pression sur les parents de Toto Guillaume, faisant monter l’emprise la passion musicale sur l’adolescent. Le collège De La Salle va prester un jour au Club de Da Rosa à Akwa. Et alors, la spirale de la musique prend pendant trois semaines, un pouvoir immense sur l’adolescent, vers sa quinzième année. Que faut-il faire ? Des études d’agronome en Europe ou une carrière musicale ? Sa tante lui accorde de faire de la musique, en attendant son départ.
L’appel du large se fait cependant très fort. Désireux de s’accomplir au plus haut niveau, Guillaume Toto, au lieu de se faire enregistrer chez les producteurs locaux plutôt amateurs, cherche les coordonnées postales de Sono Disc en France et leur adresse un courrier pour se faire produire. Ô miracle ! La réponse vient et une maquette est demandée, à la plus grande surprise du jeune artiste, dans les années 70-71. Il a quinze ans et le voilà déjà dans le Showbiz. Une maquette est constituée, de deux chansons de chacun des quatre mousquetaires : Nkotti Fraçois, Emile Kanguè, Mouelle Jean, Toto Guillaume. La constitution de cette maquette est rocambolesque et fantastique. La première version ne satisfait pas monsieur David de Sono Disc. Il faut que la vitesse de rotation soit 19m/s ou 38cm/s. On leur demande de faire un enregistrement professionnel sur magnétophone. Ils n’en n’ont pas. Heureusement, avec le magnétophone inespéré de Badi, un ami providentiel habitant le quartier d’Akwa, l’enregistrement doit être fait à Bonabéri. Mais Essombè le batteur manque à l’appel. Où est-il ? On apprend qu’il est parti à l’aventure à l’ouest-Cameroun. François Nkotti supplée au pif à la batterie et voix. Emile Kanguè à la guitare basse et voix. Mouelle Jean est à la guitare d’accompagnement. Toto Guillaume à la guitare solo et voix. L’œuvre est expédiée trois jours plus tard en France et trois semaines plus tard, merveille : Sono Disc renvoie un 45 tours, intitulé Toto Guillaume et les Black Styl. Le groupe qui fera la grande gloire du rythme Makossa et de la musique camerounaise des années 70-80 est ainsi lancé. La Nature avait déjà ainsi singularisé et détaché le plus jeune des quatre artistes, Toto Guillaume comme guide et moteur de ce groupe. Il prit alors conscience de son rôle d’harmonisateur, de rassembleur et de pionnier des explorations. Il entreprit alors de canaliser et orienter les dons de ses amis, en leur apprenant les subtilités de la musique par la pratique directe.
A la sortie du 45 tours, les artistes déposent leur œuvre à Radio Douala. Or, un mois plus tard, elle n’est hélas toujours pas jouée. Ne dit-on pas que nul n’est prophète chez soi ? Les quatre mousquetaires rencontrent cependant un samedi matin à Radio Douala, un aîné, Nicolas Pasteur Lappè. Ils les invite à son émission de 11h00. À peine Pasteur Lappè joue-t-il Françoise dans son émission qu’un buzz national en amplifie l’écho. La notoriété de Toto Guillaume s’installe. Sa tante l’incite toujours à aller plus loin, mais lui croit que son étoile est là. Pour avancer artistiquement, il conseille à ses amis de financer leur propre matériel avec les gains des mariages qu’ils animent, y compris à crédit. C’est ainsi que des amis, des mécènes et des garants leur permettent d’avoir leur propre matériel. Les Black Styl ont enfin leur matériel. On croit l’apothéose arrivée. Mais Toto Guillaume entend toujours sa petite voix.
Dans son quartier, monsieur Bekombo lui offre son premier traité d’harmonie à 14-15 ans. De la musique mathématique qu’il déchiffre avec le soutien de la petite voix intérieure de son enfance. Un soir au collège Alfred Saker, lors d’un grand mariage, un certain Missipo Donald l’appelle et lui conseille de venir à son domicile de Bali. Il lui offre l’une des plus grandes méthodes de guitares, qui coûtait plus de 25000 francs Cfa à l’époque. Toto Guillaume la dévore et la décortique à volonté. Un autre soir encore, à Bonabéri, en plein concert, Jean-Paul Kodia, un mélomane ému par son talent lui propose d’aller en France parfaire son art. Toto Guillaume va voir Ayompé, vendeur de disques non loin de l’avenue du 25 août à Douala, pour passer un coup de fil en France, via Intelcam. Toto Guillaume appelle directement le patron de Sono Disc et lui parle de ses deux 45 tours déjà sortis au Cameroun. Il lui propose de l’inviter en France. Deux semaines plus tard, contrat de travail et certificat d’hébergement arrivent de France. Au même moment, Jean Paul Kodia, l’homme d’affaires d’UTA, lui fait la même offre. Le beau-père de Toto Guillaume, l’époux de sa maman, est décédé entre temps. Le moment de foncer vers l’Hexagone n’est-il pas venu ? Nous sommes en 1976. Entre ses 15 et 17 ans, beaucoup de chansons ont émergé de l’esprit du génie précoce. Le passeport du jeune artiste est confectionné avec diligence, par la facilité d’amis de la gendarmerie en ces jours bénis à Yaoundé, en deux jours.
Air France offre gracieusement alors un billet d’avion au jeune artiste de génie. Mais Jean-Paul Kodia a déjà fait le même nécessaire et s’engage à l’accueillir en France devant toute la famille de Toto Guillaume réunie solennellement pour l’occasion.
En octobre 1976, voici le départ vers la France du génie des Black Styl qui sont alors inconsolables. Lessivés, fâchés, ils sont dans la désolation. Pourquoi part-il au moment où ensemble, ils trônaient sur la scène du Cameroun ? Les compagnons de Toto Guillaume restent stupéfaits. Serein, visionnaire, Toto Guillaume suit toutefois sa destinée.
Débarquement à Paris. Froid et nouvelles perspectives. Installé dans les meilleures conditions possibles, Toto Guillaume est aussi connecté par la médiation de Jean Paul Kodia avec les Eko Roosevelt, Vicky Edimo, à Paris ; Osibissa, Jeannot Dikotto Mandengue à Londres. Il se joint aussi aux musiciens antillais de la place parisienne. Au Studio 12000 rue de Clignacourt, sont enregistrées les premières notes musicales de Toto Guillaume en terre de France. Na sengi miango sort par exemple là. Un tabac du tonnerre. Nje mo e wondi mba ; mbembe ; etc., sortent là, épaulés par Eko Roosevelt. Toto Guillaume soucieux de marquer son style prolonge son oeuvre avec Dubè lam, O nongo jangamènè, etc. Encore un super carton.
Dès son arrivée en France en 76, Toto Guillaume et sa tante Madeleine se retrouvent pour parler de ses études. L’agronomie ? Non, finalement. La musique est le chemin. Le neveu et sa tante s’y accordent. Pendant trois mois en France, Toto Guillaume aura vécu sans prendre le métro. Jean Paul Kodia lui loue un espace non loin du studio à Créteil, rue Simon Bolivar. Le jeune homme dévore entre temps de tout à Paris : livres de culture générale, de philosophie, de musique, d’histoire, tout y va. Les études de musiques deviennent son point focal.
En tant que professionnel de la musique, il a accès à l’université pour ses études, mais n’est pas disponible du fait de son agenda de concert. Il choisit alors la voie des conservatoires.
Il commence par le Conservatoire de Courcelles, rue Alfred de Vigny à Paris 16ème. La directrice découvrant sa précocité, lui facilite l’enseignement de la théorie musicale.
Dans le quartier de son studio, métro Europe, tous les grands éditeurs de musique sont situés autour de son domicile, comme une harmonie préétablie. Les mânes ancestraux sont toujours à l’œuvre.
Puis, Toto Guillaume s’installe dans le 13ème arrondissement et prend ses cours au Conservatoire local Place d’Italie, où le directeur, monsieur Masson l’accueille favorablement. Au Conservatoire on apprend d’abord à décoder les symboles de la lecture musicale. Pour Toto Guillaume l’enjeu est d’associer la pratique qu’il avait déjà à cette théorie de l’écriture musicale occidentale. Il obtiendra le Satisfecit et le Prix d’Excellence en guitare.
En alternant entre l’enseignement classique des conservatoires et l’enseignement privé de l’Ecole de Jazz IACP, Toto Guillaume entre dans la tradition du Jazz. De fil en aiguille, le jeune maître tisse et élargit sa toile et sa gamme de créativité, voyageant déjà dans le monde avec Jean-Claude Naimro rencontré en 1977 pendant qu’il enregistrait l’album Rosa au Studio Milan, Métro Pigalle. À l’époque, il y avait Claude Vamur à la batterie, à la guitare basse Vicky Edimo, au piano Jean-Claude Naimro et à la guitare acoustique Toto Guillaume.
Impressionné par la rigueur du jeune artiste camerounais, Jean-Claude Naimro demande : « Mais quel est ce petit qui est méchant comme çà ? » C’était sa manière de dire son émerveillement. Le plus grand pianiste de la place de Paris se lie ainsi d’amitié avec Toto Guillaume. Naimro l’antillais pensait la musique comme un blanc. Pourtant c’était un surdoué. Mais c’est Toto Guillaume qui l’imprègne de l’art de l’art de la syncope africaine. Les deux amis suivent alors les cours des écoles de Jazz de ce temps.
Il s’inscrit alors au CIM, Centre National de Musique rue de Deauville, dans la 18ème arrondissement de Paris. Il y rencontre le guitariste Pierre Cullaz, Gelf Gilson son professeur d’harmonie et bien d’autres encore. L’instrumentation est sa passion précise du moment. Il s’agissait de briser les barrières de toutes les disciplines musicales, de telle sorte qu’il n’y ait pas un démon qui vienne le perturber quelque part. Tout en multipliant parallèlement des tournées et des sorties de nouveaux disques : welissanè diba ; Duala mbèdi na sawédi ; Issokoloko ; Mbana Na ; Makossa Digital. Nous nous retrouvons ainsi au début des années 80.
Musicien déjà renommé au Cameroun, Toto Guillaume devient un patron de la place musicale africaine de Paris. Il représente alors la défense du référentiel traditionnel africain en contexte d’instrumentation occidentale. Touré Aladji est entré en contact avec Toto Guillaume en 1977 et ce dernier l’a aidé à entrer en studio à Paris où il joue sa première basse en France dans O sengi tè na na wédi ; . Ensemble, ils vont révolutionner la musique afro-parisienne. Présent dans l’arrangement et la composition de nombreux artistes africains de la place Toto Guillaume qu’on appelle affectueusement depuis lors Toguy prospère et essaime.Les Dina Bell avec Yoma Yoma, les Pierre de Moussy défile chez lui. Il s’évade avec désintéressement dans la constitution de leurs œuvres. Lobè à la batterie, Mouelle à la basse, Ebeny, et bien d’autres, feront avec Toto Guillaume les œuvres d’un Jacky Doumbè. Avec les Michel Alibo, Claude Zadir, etc. L’expertise de Toguy dans les cuivres, les violons, est désormais installée. Le style est acquis, pourtant Toto Guillaume étudie encore la musique.
Comment se passe alors une semaine de Toto Guillaume à Paris ? Jours et nuits, il était en studio, en concert, écrivant des arrangements, y compris sur ses genoux dans les avions. Sa vie est entièrement partagée entre ce qu’il fait pour lui-même et ce qu’il fait pour les autres.
Et sa famille dans cette cadence vertigineuse ? Il a rencontré en 1977 la femme de sa vie. Ayant fait des études supérieures d’anglais, son épouse bien-aimée l’épaule dans son œuvre. Leurs fils Serge et Guy, des jumeaux, l’un aujourd’hui mathématicien chez Airbus et l’autre cadre commercial, naissent en 1985 pendant la composition de Makossa Digital. Un remords s’empare de Toto Guillaume en 1988. Il part pour une tournée et ses enfants sont en pleurs. De retour, une prise de conscience est faite. Il se décide de consacrer davantage de temps aux siens, tout comme à cette voix intérieure qu’il entend depuis sa tendre enfance. Une vraie crise spirituelle l’emmène vers l’intériorité.
Toto Guillaume mène alors des études de symbolisme universel des cultures et des religions : africaines, européennes, asiatiques, américaines. Il s’abonne à force revues de toutes les religions pendant plus de deux années intenses. Une puissante retraite spirituelle a commencé. Qu’est-ce qui pousse le fils d’Emènè Marie vers cet univers invisible des personnes profanes ? Toto Guillaume travaille en profondeur sur l’histoire universelle de la musique, telle l’œuvre de Ravel. De nombreux enregistrements radiophoniques, audiovisuels sont depuis lors compilés dans sa maison. Ses grandes références sont éclectiques. Bach, roi du contrepoint ; Mozart ; Ravel ; Debussy ; Eric Satie ; Schönberg, et les maîtres du Jazz américain. Il a déjà à cette époque, travaillé avec les Manu Dibango, Francis Bebey, Eko Roosevelt et toutes les grandes maisons d’édition musicale de la place. Maître architecte de son art, il a déjà la gestion de nombreux projets et la confiance de moult managers. La tradition musicale, pour lui est faite de continuité, de rupture, de renouvellements.
Tel le phénix de la mythologie grecque, Toto Guillaume mute et renaît sans cesse. Lors de sa tournée américaine, dans les bibliothèques universitaires, il découvre l’ampleur des grands compositeurs occidentaux. Vincent Nguini lui suggère de rester à ses côtés aux USA, offre certes alléchante qu’il décline. Ainsi se construit la période qui va des années 70 à la fin des années 90.
Toto Guillaume observe une période d’introspection liée à ce désir d’approfondissement de son œuvre et de sa spiritualité. Dans le même temps où il fait moins parler de lui-même, il se consacre, paradoxalement, à faire émerger les autres. C’est ainsi que sur les pochettes des disques de la quasi-totalité des artistes camerounais de renom qui émergent des années 70 aux années 90, l’estampille du maître du Makossa est une identité remarquable. Qui sait par exemple que c’est par sa sœur Régine que Richard Bona fait parvenir un courrier à Toto Guillaume qui l’introduit en studio pour l’album de Tom Yoms où il joue pour la première fois à Paris ? Toto Guillaume est un homme à plusieurs casquettes. On ne peut parler de l’homme sans souligner son rôle dans l’émergence des Kanguè Emilé, Nkotti François, Ben Decca, Grâce Decca, Charlotte Dipanda et consorts.
Pourtant, Toto Guillaume entre temps est allé à la recherche du grand maître des arcanes musicaux de Paris. Après le tour des écoles, il demande à son ami copiste, Léo Clarence, ancien Chef d’orchestre de lui expliquer le milieu parisien. Il lui recommande Julien Falk. Mais ce dernier est décédé et a cédé sa chaire de haute initiation musicale à Raymond Gimenez qui lui ouvre les yeux et les oreilles à l’enseignement de la musique sacrée, véritable théurgie des sonorités. De même, son ami Ngando Bebey lui met le nez dans la méditation et la quête spirituelle la plus exigeante : les sept notes musicales s’avèrent des portes vers les mondes de la Création primordiale, si on les agence à merveille. Toto Guillaume accède ainsi à la conscience universelle de son don d’enfance. Les textes sacrés lui deviennent alors sympathiques et il les intuitionne naturellement depuis lors. Il comprend alors mûrement sa vocation musicale précoce.
Le silence va désormais occuper une place centrale dans son œuvre. Ecoutons ce qu’il en dit lui-même lors d’un célèbre concert délivré en 2019 au Centre Culturel Français de Douala :
« On peut se poser des questions. Pourquoi ce silence ? Mais j’ai pour habitude d’expliquer que la nature de la permanence de mon œuvre s’inscrit dans un espace-temps qui a commencé de 1970 jusqu’à ce jour, même si c’est ponctué d’un silence »
L’artiste Toto Guillaume distingue ainsi d’une part, le monde de l’actualité, où sous la manipulation des hypnotiseurs d’âme, la plupart des humains courent après les bonheurs fugaces de la vie ; et d’autre part, le monde de la permanence des valeurs éternelles du Bien, du Vrai, du Beau et du Juste, où s’inscrivent les œuvres classiques qui durent toujours.
Après le départ de ce monde de sa chère maman Marie Eménè en 1987, commence alors parallèlement à de longues années passées à l’école des arts et sciences de Dijon, un long et profond cheminement. Une quête sérieuse s’accélère dès lors. De 1997 à 2005, Toto Guillaume s’intéresse à la forge de son âme. Ce qui explique le long silence souvent incompris dans sa propre production musicale intuitu personae. A travers cette période, il se met à l’école du silence, tout en continuant à servir à l’émergence de nouvelles figures dans le champ musical international. En réalité, pendant que Toguy se taisait en son nom propre, toute oreille musicale bien exercée aurait pu subtilement l’entendre derrière la quasi-totalité des grandes œuvres musicales du Cameroun de ses années silencieuses.
Certes, le reflux du Makossa dans les années 90-2000 s’explique aussi par la nouvelle politique de la culture alors en vigueur à Yaoundé, qui privilégie alors pour des raisons difficilement justifiables, le rythme Bikutsi contre tous les autres. Mais l’autre explication de ce reflux du Makossa est incontestablement la rentrée en retraite spirituelle du Maître du Makossa, Toto Guillaume qui se consacre alors à l’accomplissement de son initiation africaine. Le soin de son âme et sa préparation à servir l’éveil de tous l’éloignent des paillettes et des gloires éphémères du star system, laissant son œuvre se défendre elle-même jusqu’en cette deuxième décennie du 21ème siècle où il s’apprête de reprendre le bâton du pèlerin des scènes artistiques. De telle sorte que les mérites volés par les sauterelles de circonstances s’apprêtent à revenir sous forme de grâces infinies à ce grand serviteur de l’Art et de l’Esprit, ancré dans une fontaine de Jouvence immémoriale. Toto Guillaume est de retour, par la musique, mais aussi et surtout par l’éveil des consciences et la guérison spirituelle de notre peuple en souffrance.
Le grand maître du Makossa Toto Guillaume se conçoit comme une vasque ouverte aux eaux célestes, un Saint-Graal affiné pour recevoir l’inspiration des grâces divines et du monde créé environnant. Par cette discipline de l’âme, il a conservé comme le plus précieux acquis de ces années de quête, un jardin secret qui lui a inspiré le Toguy Concept : 1) D’abord briser les murs de l’incompréhension entre les civilisations et les consciences ; 2) Par la création et l’enseignement, favoriser des noces profondes des esprits, par la force du nombre symbolique 11 ; 3) Surmonter le trauma de la perte de sa mère par une vide dévouée au Service de la Transcendance, réintégrée dans la filiation traditionnelle.
De telle sorte qu’en se retirant pendant cette période méditative tant inconnue par ses mélomanes, c’est avec joie que Toto Guillaume laissera la lumière à toute une kyrielle de figures musicales. Savoir se mettre à l’écart, pour laisser être les autres, n’est-ce pas tout l’art du divin créateur ? Véritable mystère hébreu du Tsimtsum.
Ce silence volontaire de Toto Guillaume de la fin des années 90 à nos jours n’était donc qu’un point d’orgue, marqué par une présence invisible, mais non moins active et efficace. Loin du monde des éloges, mais bien présent dans celui des essences, tel le philosophe décrit par Platon dans la fameuse allégorie de la Caverne décrite au Livre VII de son ouvrage La République.
Fort heureusement, de 1972 à nos jours, immense, l’œuvre a parlé, parle et parlera encore d’elle-même. Ne se disputant rien avec personne, Toto Guillaume n’a jamais revendiqué la lumière d’un autre, mais seulement le service de la divine présence qui nous relève sans cesse du domaine des mortels pour nous acheminer vers d’augustes panthéons.
Leitmotiv de sa voie intérieure, revient toujours à Toto Guillaume cette promesse : « Je te revaudrai les années qu’ont dévorées les sauterelles. »
Et le bienfait, on le sait, ne se perd jamais. Ainsi se construit la pierre philosophale. Le vaisseau cosmique du voyage infini. La mort elle-même n’étant que nouvelle naissance selon les âges de l’âme comme le dit merveilleusement la chanson Dubè lam, que Toto Guillaume considère comme la révélation prémonitoire de sa vie en 1976. Une appogiature essentielle de sa vie.
De telle sorte que si l’on pouvait résumer la vie et l’œuvre de l’auteur compositeur, guitariste, arrangeur et formateur Toto Guillaume en ce mois de juin 2022, voici les grandes dates qu’on retiendrait :
Formation
1976-1978 Conservatoire de Courcelles- Paris 75008
1978 Prix d’excellence de Guitare classique au Conservatoire des Gobelins Paris 75013
1980-1984 IACP (Ecole de Jazz), Paris 75011
1984-1986 CIM (Ecole de jazz- harmonie, arrangement, contrepoint) Paris 75018
1984-1986 SCOLA CANTORUM (harmonie et contrepoint) Paris 75005
1990-1993 Institut Saint Paul ( formation théologique) Bruxelles
Expériences Professionnelles
1972-1976, Les Black Styl, Douala-Cameroun
1979-1990 Capitaine de l’équipe nationale de Makossa
1984-1989 Chef d’orchestre de Myriam Makeba
1990-1993 Les Collégiens (groupe de Sacha Distel)
2000-2005 Formateur à l’Ecole des Arts et Sciences Traditionnelles (Dijon)
Œuvres musicales
1973- Françoise- Ndutu
1974-Mba na na- Son te
1975 Emènè Marie -O Sambo
1976 Na séngi miango
1977 Na boa ndolo
1978- Douala Mbèdi- Mont Koupé
1980 Isokolo
1981 Dibena
1983 Makossa Digital
1986 Elimbi na ngomo
Artistes produits
Sam Mangwana (Duta longo)
Douleur (Lambo la tamba- Allo mademoiselle- Wake up Afrika)
JR Nelson (Wase e ma yombo-Maya ma bobe-Dia)
Maurice Njoumè (Maimouna-Aïssatou)
Géo Masso (A mouto)
Henri Njoh (Mélodies d’antan)
Emile Kanguè-Nkotti François (Les Black Styl à Paris)
Eboa Lottin (3 visages)
Dina Bell (Yoma Yoma)
Arrangements
Francis Bebey (My African Lady)
Sam Mangwana (Essele na langwe)
Charlotte Dipanda (Dube lam)
Serge Polo (Lili)
Charlotte Mbango (Nyola Njé-Desperados-Mutonde Bato)
Grace Decca ( Besoin d’amour- A Mouna Maman- Na Tese Longue- Ndol’ango)
Ruth Kotto (Bonam)
Misse Ngoh François (5 albums)
Belka Tobis (Femme mariée)
Tom Yoms (Pona Pona)
Sallè John (Alane mba na yo- Na Taki Jita- Ndenge)
Bell’a Njoh (Tele Mba Jombe)
Epee et Koum (Ndo’a bonam)
Beko Sadey (Les Réfugiés-Patron)
Erico (Inonde d’amour)
Douleur (Lambo la tamba-Allo Mademoiselle-Wake Up Africa)
Samson Chaud Gars (Cellucam)
Ekwalla Hoïgen (Mawombo-Chat Botté)
Elvis Kemayou (2 albums)
Beti Beti (Jokwa)
JR Nelson ( Wase e ma yombo-Maya ma bobé-Dia)
Maurice Njoumè (Aissatou-Maimouna)
Géo Masso (A mouto)
Henri Njoh (Mélodies d’antan)
Emile Kanguè-Nkotti François (Les Black Styl à Paris)
Emile Kangue (Je plains ton sort)
Nkotti François (Mitoa- Nkowanga-Ebolam)
Eboa Lottin (3 visages)
Dina Bell (Yoma Yoma-Mbemba Iyo- Epoupa-Papa)
Ben Decca (Amour à sens unique-Réconciliation-Ngum-Mbango)
Joe Mboulè (Malabar-Mouna Ndo)
Axel Mouna (Juventus-Mama Nyolo)
Papillon (Lydie-Gazon)
Petit pays (A moumi)
Ali Baba (Condition féminine)
Cella Stella (Ebollo)
Stella Mouna (Essewe)
Efamba
Maelle
Bessosso
Jean-Paul Mondo
Pierre-Claver Zeng
Pierre de Moussy (Ndolo-L’Amour-Mbia)
Foty
Jean-Claude Mbimbè (3 albums)
Penda dallè (5 albums)
Coco Ateba
Davis Mambo
Marcel Tjahe (3 albums)
Jacky Doumbè (3 albums)Roger Moudio
Monserein
Daouda
Negus Ekoto
Fefe Bekombo (Africa Wonderful)
Komè Ngosso
Joe Etondè (Etonda su)
Grace Kama (Barombi)
Guitariste dans les séances d’enregistrement d’artistes (liste non exhaustive)
Manu Dibango
Francis Bebey
Eko Roosevelt
Ekambi Brillant
Charles Lembe
Elvis Kemayo
Grace Decca
Misse Ngo François
Nkotti François
Mony Billè
Arbogaste Mbella
Coco Ateba
Charlotte Mbango
Mekongo President
Franck Chaleur
Moïse Doumbè
Jean-Claude Naimro
Michel Alibo
Gibson Brothers
Kossi Wang
Concerts réalisés à travers le monde
Au Cameroun
Douala, Yaoundé, Ngaoundéré, Nkongsamba, Edea, Maroua, Garoua, Bamenda, Buea Tiko, Foumban,, Bafoussam
En Côte d’Ivoire, au Gabon, en Guinée, en Tunisie, au Maroc.
En France
Paris, Festival d’Avignon, Lyon, Festival de Vienne, Bordeaux, Festival de Pau, Festival de Lagnon,
En Belgique
Festival d’Ostende
En Hollande
Festival de la mer du Nord
En Suisse
Festival de Nyong et Lugano
En Autriche
Festival de Vienne
En Italie
En Allemagne
En Norvège
Festival de Konberg
En Grande Bretagne
Londres-Liverpool
Au Portugal
En Espagne
En Turquie
Festival d’Istanbul
En Somalie
Aux Etats-Unis
Au Canada
Festival de Montréal
Festival de Toronto
En Indonésie
Jakarta
Oui, chères et chers mélomanes du maestro Toto Guillaume, voici déposés en quelques lignes inaugurales, les premiers legs testamentaires du grand maître du Makossa du Cameroun, de retour à l’avant-scène, au pinacle de sa mission initiatique. Le texte que voici aura tenté de restituer les grands axes d’une Œuvre fondatrice de la sensibilité de l’humanité camerounaise, africaine et mondiale, au moment où le maître approche de nouveau le pied des estrades de la musique internationale. Que ce qui doit être soit et que l’éveil des consciences soit catalysé par cette œuvre qui constitue la chair esthétique de millions d’âmes qu’elle fera toujours vivre en les faisant vibrer comme il faut, au diapason du Maître de Vie que Guillaume Toto, initié par nos ancêtres angélisés, sert avec sérieux, dignité et sacerdoce !
Professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun Wa Afrika
Le 3 juin 2022
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